Personnel Shopper, Olivier Assayas et la survivance du passé.
(Maureen) Kristen Stewart, Personal Shopper d'Olivier Assayas, 2016 |
Impalpables ectoplasmes de lumière, bruits mystérieux ou
reflet sur une vitre, les fantômes dans Personnal Shopper sont bien visibles. Imprimés
sur l’écran dans des formules digitales ou glissants dans l’arrière plan d’une
mise en scène sidérante, les morts imprègnent ce film étrange qui nous montre
qu'ils peuvent-être partout.
Ils sont dans les recherches de Maureen (Kristen Stewart) pour communiquer avec son jumeau mort, dans les gestes immuables
d’une ébéniste botticellienne (Sigrid Bouaziz) ou dans l’héritage des maisons
hantées des marques de luxe. Mais aussi dans les pages d’un livre centenaire non
coupé, dans les vêtements que Maureen possède et possèdera (les pulls trop
grands du frère jumeau décédé) ou les robes de luxe interdites, partout,
absolument partout se trouve la trace du passé, du retour perpétuel de la
mémoire des savoirs et des gestes.
Lara (Sigrid Bouazzi), ébéniste botticelliane, Personal Shopper, Olivier Assayas, 2016 |
Comme une planche de l'Atlas de Warburg ou la résurgence
d’un rêve par association d’images, le sens est dans l’entre-deux de ce que
l’œil verra à l'image, et dans l’attente d’Olivier Assayas pour sa muse de
grisaille au coeur de jumeaux endeuillé.
Atlas Mnemosyne, Aby Warburg |
Et si les femmes essayent des robes depuis au moins 5000
ans, si les Hommes tuent par jalousie depuis les mythes et si depuis
300 000 ans nous ensevelissons nos morts pour les pleurer, Assayas assemble ces
éléments pour nous rappeler que tous nous sommes des êtres submergés
par le passé. Que nos corps (et ceux des acteurs) depuis des millénaires répètent des paroles, des
mouvements, des chansons qui ne nous appartiennent jamais vraiment.
Robe de Tarkhan, plus vieux vêtement tissé au monde, 3102 - 3482 av. J.C., Egypte, |
Sommes nous alors tous des fantômes ? Sommes nous
possédés de symptômes d’autre temps ?
Si le cinéma et sa réalité
d’images par secondes fabriquent des icônes du temps présent et d'autres immortels, nous spectateurs sans les arts… nous n’aurions que l’oubli, ce terrible oubli
pour affliger nos mémoires.
Voilà peut-être la question en suspens de ce beau film bien loin d’être
malade (ici).
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